Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/626

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— Ah ! ils se liguent tous contre moi et ils s’imaginent que je reculerai d’un pas devant leurs stupides criailleries ? Baes Gansendonck saura montrer ce qu’il est et ce qu’il peut ! Un autre dirait : mieux vaut des amis que des ennemis, mais je dis, moi : mieux vaut être envié que plaint, et celui qui compte trop d’amis est le jouet de tout le monde. Le baron n’épouserait pas Lisa ?… Et aujourd’hui même il a envoyé deux fois son domestique prendre des nouvelles de ma santé ! Quand j’y réfléchis bien il n’y a pas à en douter. Ne » m’a-t-il pas dit lui-même que Lisa est beaucoup trop bonne et trop instruite pour devenir la femme d’un grossier brasseur ? N’a-t-il pas ajouté : Elle fera un meilleur mariage et rendra heureux quelqu’un qui saura la comprendre. Il me semble que c’est suffisamment clair. Ces insolents paysans croient-ils qu’un baron y va comme eux, et dit tout net : Trine, voulons-nous nous marier ? Non, cela ne se passe pas ainsi. Ah ! monsieur Van Bruinkasteel refuserait d’épouser Lisa ? Je gage cinq bonniers de terre qu’il me saute au cou dès que j’en ouvre la bouche. Monsieur Van Bruinkasteel n’épouserait pas Lisa ? Ne pas l’épouser ? Comme si je n’avais pas remarqué pourquoi il me témoignait toujours tant d’amitié et me frottait la manche tellement que tout le monde pouvait s’en apercevoir. C’était monsieur Gansendonck par-ci, monsieur Gansendonck par-là ; des lièvres qu’il envoyait, les perdreaux qu’il apportait lui-même. Et Lisa ne mange pas de gibier… Ainsi, c’est à moi qu’il voulait faire plaisir. Pourquoi ? Assurément ce n’est pas pour mes beaux yeux. Non, non, il nettoyait le chemin parce qu’il voulait