Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/627

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risquer le grand pas. Je lui faciliterai la chose ; il n’en sera pas peu satisfait…

Baes Gansendonck se frotta les mains avec une joyeuse satisfaction et se tut quelques instants pour mieux savourer sans doute la douceur des séduisantes convictions auxquelles il s’arrêtait. Un peu plus loin, il éclata de rire tout à coup, et reprit :

— Ah ! ah ! il me semble les voir tous au village avec des nez aussi longs que ma fourche. Voilà le baron qui s’en va donnant le bras à Lisa ; ils sont si bien habillés que les paysans en sont forcés de fermer leurs yeux éblouis ; quatre domestiques, avec des galons d’or et d’argent au chapeau, les suivent ; la voiture à quatre chevaux suit ; moi, Pierre Gansendonck, je marche à côté de monsieur Van Bruinkasteel, je porte la tête haute, et je regarde ces langues de vipère et ces envieux, comme le beau-père d’un baron peut et doit regarder cette stupide canaille de paysans. Nous arrivons à l’église ; là il y a des tapis et des coussins ; on sème des fleurs sous nos pas ; l’orgue joue que les vitres en tremblent ; le oui est prononcé devant l’autel… et Lisa part en poste avec son mari, à travers le village, tellement que les pavés font feu, tout droit pour Paris… Le lendemain, vingt paysans au moins sont au lit, malades de dépit et d’envie. Entre temps je vends ou je loue le Saint-Sébastien, et lorsque mon gendre et ma fille viennent, je pars avec eux pour un grand château ! Baes Gansendonck, c’est-à-dire, monsieur Gansendonck a mis ses moutons à sec ; il ne fait plus que donner des ordres, manger, chasser, monter à cheval… Mais en songeant