Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/631

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— Elle coûte près de deux cents francs !

— Ah ! je ne regarde pas à cela.

— Elle ne vous irait pas, monsieur Gansendonck.

— Elle ne m’irait pas ? Si je puis la payer, elle doit bien m’aller ? Mais laissons cela. Franchement, comment va la santé, monsieur Van Bruinkasteel ?

— Vous voyez : un œil bleu et le corps couvert de contusions.

— Le coquin a tout de même été empoigné par les gendarmes et conduit à la ville. Vous lui ferez sans doute payer comme il faut son impudente brutalité ?

— Assurément, il faut qu’il soit puni ; il m’a attendu avec préméditation et assailli dans ma propre demeure. La loi traite sévèrement de pareils actes. Pourtant je n’aimerais pas qu’on jugeât l’affaire d’après la lettre de la loi, car dans ce cas il en aurait pour cinq ans au moins. Sa vieille mère est venue ce matin me prier et me supplier ; j’ai pitié de la pauvre femme…

— Pitié ! s’écria le baes avec colère et surprise : pitié de ces coquins-là ?

— Si le fils est un vaurien, qu’est-ce que la malheureuse mère y peut ?

— Elle n’avait qu’à mieux élever son fils. Cette brute canaille n’aura que ce qu’elle mérite. Et que s’aviseraient de penser les paysans s’ils pouvaient traiter des gens tels que nous comme si nous étions leurs égaux ? Non, non, il faut maintenir la crainte, le respect, la soumission : ils portent déjà la tête beaucoup trop haut. Si j’étais à votre place, je ne regarderais pas à l’argent pour donner une rude leçon au brasseur et à tout le village avec lui.