Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/632

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— C’est là mon affaire.

— Sans doute, je le sais bien, baron ; chacun est maître de ce qui le regarde.

La tournure de l’entretien déplaisait apparemment au baron, car il détourna la tête et demeura quelques instants sans mot dire. Le baes qui, de son côté, ne savait que dire non plus, parcourait la chambre d’un œil distrait et s’efforçait de trouver un moyen d’aborder la question du mariage de sa fille. Il remuait les pieds, toussait de temps en temps, mais son esprit ne lui fournissait rien.

— Et notre pauvre Lisa ? dit enfin le baron ; le spectacle de l’arrestation du brasseur a dû lui causer une terrible émotion. Je conçois cela ; elle l’aime depuis son enfance.

Le baes parut s’éveiller brusquement aussitôt que le nom de Lisa, prononcé par le baron, vint frapper son oreille. Voilà, pensa-t-il, le chemin singulièrement préparé. Pour en venir à son but, il répondit en souriant :

— Elle l’aime, croyez-vous, baron ? Non, non ! C’était autrefois une amourette, comme on dit ; mais c’est fini depuis longtemps ; j’y ai mis le holà, et j’ai mis le brasseur à la porte. Pensez un peu, baron, ce lourd tonneau de bière eût volontiers épousé ma Lisa !

— Il en est d’autres, baes, qui pourraient bien avoir le même goût.

Un éclair de joie brilla dans l’œil du baes ; il bondit sur son fauteuil, et dit avec un rire qui avait la prétention d’être malin :

— Ah ! ah ! Je sais cela depuis longtemps ; l’homme