Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/638

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assommé par un paysan ; vous êtes devenu la risée de tout le village, et voyez d’un seul coup s’écrouler tous les châteaux que vous aviez bâtis en l’air. Mieux vaut se repentir tard que jamais. J’avoue que j’ai mal fait en fréquentant familièrement une auberge de village, en y venant et y agissant comme si j’étais l’égal de votre fille ; et je sens maintenant que si Lisa n’eût pas été de sa nature très-vertueuse, mes paroles et mes manières pussent pu corrompre sa belle âme.

— Qu’osez-vous dire ? s’écria le baes en éclatant ; avez-vous parlé à ma fille d’une façon déshonnête, séducteur que vous êtes ?

— Je me ris de votre folie, poursuivit le baron ; je veux oublier, pour un instant encore, quel est celui qui ose me parler ainsi… Je n’ai rien dit à votre fille que ce qu’on regarde dans le grand monde comme des compliments de tous les jours ; des choses propres à la langue française, et qui peut-être font peu de mal aux jeunes personnes qui n’entendent pas autre chose depuis leur enfance, mais qui, dans les rangs inférieurs, corrompent le cœur et dépravent les mœurs parce qu’on les y prend pour des vérités, et qu’elles y excitent ainsi les passions, comme si ce n’étaient pas de vains compliments. En cela, j’ai eu tort : c’est le seul crime ou plutôt la seule erreur que chacun puisse me reprocher, à l’exception de vous, qui m’avez fait faire et dire plus que je ne le voulais moi-même. Vous m’avez menacé tout à l’heure de m’interdire l’entrée de votre maison ; c’est inutile ; j’avais déjà pris la résolution de profiter de la leçon que j’ai reçue, et non-seulement de ne plus aller chez vous en