Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/639

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ami, mais encore de ne plus me comporter vis-à-vis des autres paysans autrement qu’il ne convient à mon rang.

— Des paysans ! s’écria le baes avec impatience. Je ne suis pas un paysan ! Je m’appelle Gansendonck. Quelle ressemblance prouvez-vous entre un paysan et moi, dites ?

— Malheureusement pour vous, il y en a peu en effet, répondit le baron. Votre vanité vous a jeté hors de la bonne voie ; maintenant vous n’êtes ni chair ni poisson, ni paysan ni monsieur : vous ne rencontrerez toute votre vie qu’hostilité et raillerie d’un côté, dédain et pitié de l’autre. Vous devriez avoir honte de mépriser si inconsidérément votre condition. Le paysan est l’homme le plus utile sur la terre ; et quand il est probe, qu’il a bon cœur et qu’il remplit ses devoirs, il mérite mieux que qui ce soit d’être estimé et aimé. Mais savez-vous qui livre souvent les paysans à la risée du monde ? Ce sont les hommes qui, comme vous, s’imaginent qu’on s’élève en dédaignant ses frères, qui se figurent qu’on cesse d’être paysan du moment qu’on parle des paysans avec mépris, et qu’il suffit de s’attifer de quelques plumes d’aigle pour être aigle soi-même.

— Vous ai-je écouté assez longtemps ? s’écria le baes en bondissant ; croyez-vous, monsieur le baron, que je sois venu chez vous pour me laisser traîner dans la boue sans mot dire ?

— Encore un mot, ajouta le baron. Faut-il vous donner un bon conseil, monsieur Gansendonck ? Écrivez sur la porte de votre chambre à coucher : Cordonnier, restez à vos formes ! Habillez-vous comme les autres pay-