Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/642

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du poing et à frapper son front de la main, en s’apostrophant lui-même à chaque coup :

— Âne stupide ! oseras-tu encore rentrer à la maison, imbécile que tu es ? Tu mériterais le fouet, sot lourdaud ! Cela t’apprendra ce que sont les barons et les messieurs ! Mets encore maintenant un gilet blanc et des gants jaunes ; mieux eût valu mettre un bonnet de fou ! Tu es assez niais, assez bête pour te noyer dans un moulin à vent ! Cache-toi, rentre sous terre de honte, rustre de paysan ! rustre de paysan !…

Enfin, après avoir épuisé contre lui-même toute sa colère, les larmes jaillirent de ses yeux ; pleurant et soupirant, plein de honte et de tristesse, il se traîna vers sa maison.

Tout à coup il vit de loin son domestique accourir au-devant de lui en poussant des cris qu’il ne put comprendre autrement que comme une pressante invitation de se hâter.

— Baes, baes, oh, venez vite ! s’écria Kobe dès qu’il fut plus près de son maître, notre pauvre Lisa est dans une convulsion mortelle !

— Mon Dieu ! mon Dieu ! soupira baes Gansendonck, tout m’accable à la fois ! et tout le monde m’abandonne. Toi aussi Kobe !

— C’est oublié, baes, dit le domestique avec une douce pitié ; vous êtes malheureux, je resterai près de vous aussi longtemps que je pourrai vous être bon à quelque chose… Mais allons, allons !

Tous deux se dirigèrent vers le village en accélérant le pas et en poussant de tristes exclamations.