Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/649

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insensé te forçait à agir imprudemment, et que tout concourait à lui inspirer de la méfiance, même alors il repoussait le moindre soupçon, et disait, l’assurance dans les yeux : — Ma Lisa est pure, elle n’aime que moi seul sur la terre.

Un doux sourire parut sur le visage de la jeune fille.

— Ah ! dit-elle, cette conviction adoucira mon agonie. Quand je serai là-haut, je prierai Dieu pour lui, je lui sourirai du haut du ciel en quelque lieu qu’il aille… jusqu’à ce qu’il y vienne aussi !

L’accent joyeux de la voix de Lisa encouragea son père à faire un effort pour détourner son âme des tristes pressentiments qui l’assiégeaient.

— Et tu ne sais pas, Lisa, dit-il d’une voix enjouée, tu ne sais pas tout ce qu’il me disait avant-hier du beau jardin qu’il va faire faire pour toi dès qu’il sera libre ? Toutes les plus belles fleurs à profusion, des sentiers et des allées tortueuses, des parterres, des berceaux, des étangs !… Et pendant qu’on travaillera à cela, il fera avec toi un voyage à Paris ; il te fera voir les plus belles choses qui se puissent trouver au monde ; il te ranimera par son amour, par mille plaisirs, par mille joies… Ô Lisa, penses-y un peu, tu seras déjà la femme de Karel alors. Rien sur la terre ne pourra désormais vous séparer ; votre vie sera un ciel de bonheur ! Et Karel veut que j’aille demeurer avec vous deux et sa mère dans la brasserie. Il sera mon fils ! Toi, Lisa, tu retrouveras une tendre mère. Par la douceur, par l’humilité de mon caractère, je regagnerai l’amitié des villageois. Chacun nous estimera, nous aimera. Nous nous aimerons tous