Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/72

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enfin ce qu’il cherchait. Il retira du sable trois bouteilles et dit, la pâleur de l’angoisse sur le visage :

— Ciel ! trois bouteilles seulement ! trois bouteilles de vin de table ! Et l’on dit que monsieur Denecker met son orgueil à bien boire… Que ferai-je, si, lorsqu’on aura vidé ces trois bouteilles, il en désire davantage ? Je ne bois point, Lénora peu ; ainsi deux bouteilles pour monsieur Denecker et une pour son neveu…· cela pourra suffire ! Au reste il ne servirait de rien de se lamenter ; le sort décidera !

Sans plus parler, le gentilhomme alla dans les coins de la cave, y prit avec la main quelques toiles d’araignée qu’il attacha artistement sur les bouteilles, et saupoudra celles-ci de poussière et de sable.

Il regagna la salle et se mit à coller sur le mur, avec de l’amidon, un morceau de papier peint, à un endroit où la tapisserie avait été détériorée par quelque accident. Puis, après avoir passé près d’une demi-heure à brosser ses habits et à s’efforcer de dissimuler à l’aide d’eau et d’encre les traces blanchissantes que le temps avait imprimées au drap à l’endroit des coudes et des genoux, il revint à la table et se prépara à une œuvre étrange.

Il prit dans le tiroir un fil de soie, une alène, un morceau de cire jaune, posa sa botte sur ses genoux et se mit à en recoudre la fente avec l’habileté d’un homme du métier.

À coup sûr ce travail avilissant éveillait en lui des pensées de désespoir, car un méprisant sourire plissait ses lèvres comme s’il eût pris un amer plaisir à se railler