Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/82

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Sur ces entrefaites, Gustave s’approchait de la jeune fille et murmurait quelques mots inintelligibles. Tous deux rougirent, baissèrent les yeux et se prirent à trembler jusqu’à ce que Gustave s’arrachât à cette émotion et adressât plus distinctement la parole à Lénora.

Le négociant fit remarquer à monsieur de Vlierbecke le trouble étrange des jeunes gens, et lui dit à l’oreille :

— Ne voyez-vous pas ce qui se passe ? Moi, je le vois bien ! La tête tourne à mon neveu ; votre fille l’aveugle. Je ne sais où en est leur affection ; mais s’il ne vous convient pas que ce sentiment grandisse et devienne peut-être incurable, prenez à temps vos précautions… Il sera bientôt trop tard ; car, je vous en préviens, mon neveu, avec sa physionomie tranquille, n’est pas homme à reculer devant un obstacle… Et voyez ! les voilà déjà en pleine conversation : la peur a tout à fait disparu !

Monsieur de Vlierbecke fut profondément touché par ces paroles du négociant qui venaient confirmer sa dernière espérance ; mais il n’en laissa rien voir, et répondit :

— Vous plaisantez, monsieur Denecker ; il n’y a pas de danger. Tous deux sont jeunes : il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’une inclination naturelle les porte l’un vers l’autre ; mais il n’y a là rien de sérieux. — Allons ! ajouta-t-il à haute voix ; on a servi ! À table, Messieurs, à table !

Gustave offrit timidement son bras à Lénora, qui l’accepta en tremblant et en rougissant. Tous deux semblaient confus, embarrassés, et cependant une joie céleste