Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/84

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vaient vis-à-vis l’un de l’autre dans un égal embarras, et ne paraissaient pas s’amuser beaucoup.

Quant à M. de Vlierbecke, il dirigeait la conversation sur tous les sujets qu’il pensait devoir être agréables à ses hôtes. Il écoutait avec une extrême condescendance le négociant ; et lui donnait occasion de parler avec une espèce de supériorité de choses qu’il devait connaître particulièrement en sa qualité de commerçant. Monsieur Denecker s’aperçut de cette prévenance, et en fut intérieurement reconnaissant. Il se sentait porté vers M. de Vlierbecke par un véritable sentiment d’amitié, et s’efforçait de ne pas demeurer envers lui en reste de cordiale politesse.

Tout allait donc bien ; chacun était content des autres et de soi-même : le gentilhomme était particulièrement satisfait de ce que la fermière et son fils entendissent si bien leur service, et de ce que les cuillers et les assiettes dont on s’était servi fussent si tôt rapportées nettes, qu’il eût été impossible de s’apercevoir que le nombre de ces objets était insuffisant.

Une seule observation commençait à causer au gentilhomme une profonde inquiétude. Il voyait avec angoisse que M. Denecker, tout en conversant, vidait verre sur verre ; le jeune homme, soit par prévenance, soit pour avoir un motif de parler à Lénora, engageait sans cesse celle-ci à accepter encore un peu de vin, de quoi il résulta que, dès le commencement du dîner, la première bouteille laissait déjà apercevoir le fond.

De temps en temps, le gentilhomme examinait à la dérobée ce qui demeurait dans la bouteille, et tremblait