Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/90

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Lorsque le père et son compagnon reprirent leur promenade, les jeunes gens avaient bien une avance d’une cinquantaine de pas ; fût-ce intention ou simplement l’effet du hasard, toujours est-il que cette distance continua à se maintenir entre eux.

La jeune fille montra à Gustave ses fleurs, ses poissons dorés et tout ce qu’elle aimait et choyait dans sa solitude. À peine entendait-il les douces et enfantines explications de la jeune fille ; ce qu’elle disait se confondait pour lui en un chant céleste qui le ravissait et lui faisait rêver d’ineffables félicités.

De son côté, monsieur de Vlierbecke mettait tout en œuvre pour amuser son hôte et l’empêcher de revenir à table. Il appelait tour à tour à son aide toutes les ressources que lui offraient ses profondes connaissances, ne tarissait pas en récits attachants, et cherchait à pénétrer les moindres replis du caractère du négociant pour lui mieux complaire ; il allait même jusqu’à la plaisanterie, lorsqu’il voyait la conversation languir : il faisait et disait des choses qui, bien que renfermées dans les limites d’une parfaite convenance, n’étaient cependant pas en harmonie avec son caractère sérieux et noble.

Déjà approchait le moment que monsieur Denecker avait fixé pour son départ ; le gentilhomme remerciait Dieu du fond du cœur qu’il lui eût permis de sortir de cette épineuse situation, lorsque le négociant cria tout à coup à son neveu :

— Hé ! Gustave, nous rentrons ! Si tu veux boire avec nous le coup du départ, hâte-toi ; il est déjà cinq heures.