Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/94

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d’amour celle qui, selon la prière qui montait incessamment de son cœur vers Dieu, devait être un jour sa fiancée.

Si le noble et charmant visage de la jeune fille avait séduit Gustave dès la première fois qu’il l’avait vue dans le cimetière, maintenant qu’il connaissait aussi la beauté de son âme, son amour était devenu si ardent et si exclusif, que le monde entier lui paraissait terne et mort dès que Lénora n’était pas là pour jeter sur tout, par sa seule présence, la lumière et la vie.

La plus pure inspiration religieuse et poétique ne pouvait évoquer pour lui d’ange plus beau que sa bien-aimée. Et, en vérité, bien qu’elle fût douée de toutes les grâces corporelles que le Créateur doit avoir départies à la première femme, dans son sein battait un cœur dont la pureté de cristal n’avait jamais été ternie par la moindre ombre, et d’où les sentiments les plus généreux jaillissaient comme une source limpide à la moindre émotion.

Gustave ne s’était jamais encore trouvé seul avec Lénora ; lorsqu’il était là, elle ne quittait pas la chambre où elle se tenait d’ordinaire avec son père, à moins que ce dernier exprimât le désir de faire une promenade en plein air ; jamais, d’autre part, le jeune homme n’avait eu l’idée de dissimuler son émotion devant monsieur de Vlierbecke, non plus que de dire à Lénora combien elle était chère à son cœur. Il eût été inutile d’expliquer par des paroles ce qui se passait dans l’âme de chacun d’eux : l’amour, l’amitié, le respect rayonnaient librement et sans contrainte de tous les yeux ; ces trois âmes