Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/95

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vivaient dans une même aspiration, étroitement unies par un même lien, confondues dans un même sentiment d’affection et d’espoir.

Bien que Gustave nourrît une profonde vénération pour le père de Lénora et l’aimât véritablement comme le plus tendre fils, une circonstance venait cependant parfois ébranler cette vénération. Ce qu’il avait entendu dire en dehors du Grinselhof de l’inconcevable avarice de M. de Vlierbecke était devenu pour lui une incontestable vérité. Jamais le gentilhomme ne lui avait offert un verre de vin ou de bière, bien moins encore l’avait-il engagé à prendre part au souper ; et souvent Gustave avait remarqué avec tristesse combien de peine on se donnait pour lui dissimuler cette économie sans pareille.

L’avarice est une passion qui ne peut inspirer que l’aversion et le mépris, parce qu’on comprend naturellement que ce vice, en prenant possession de l’âme de l’homme, en arrache tout sentiment de générosité et la remplit d’une froide cupidité. Aussi Gustave dut-il lutter longtemps contre ce sentiment instinctif pour détourner son attention de ce défaut de M. de Vlierbecke et se tenir pour convaincu que c’était un caprice de son esprit, un seul travers de son cœur, travers qui d’ailleurs ne lui avait rien fait perdre de la noblesse native de son caractère.

Si cependant le jeune homme eût su la vérité ! si son regard eût pu pénétrer plus avant dans le cœur du gentilhomme, il eût vu que, sous chaque sourire qui apparaissait sur son visage, se cachait une douleur, que cha-