Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/96

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cun de ces frémissements nerveux qui parfois le saisissaient comme un frisson trahissait l’angoisse de son âme. Il ne savait pas, lui, heureux qu’il était, lui qui ne voyait que le doux regard de Lénora et s’enivrait au calice d’or de l’amour, il ne savait pas que la vie du gentilhomme était un éternel supplice ; que jour et nuit il avait devant lui un terrible avenir, et, la sueur de l’épouvante au front, comptait les heures qui s’écoulaient comme si chaque minute l’eût approché d’une inévitable catastrophe… ; et en effet le notaire ne lui avait-il pas dit : « Encore quatre mois ! encore quatre mois, et la lettre de change échoit… et vos biens seront vendus de par la loi ! »

De ces quatre mois fatals deux déjà étaient écoulés !

Si le gentilhomme semblait encourager l’amour du jeune homme, ce n’était pas seulement par sympathie pour lui. Non ; le drame de sa douloureuse épreuve devait se dénouer dans un temps marqué : sinon, pour lui et pour son enfant, le déshonneur, la mort morale ! Le sort allait décider irrévocablement si de cette lutte de dix années contre l’affreuse misère il sortirait vainqueur, ou si, vaincu, il tomberait dans l’abîme du mépris public.

C’est pourquoi il cachait son indigence avec plus d’obstination que jamais, et bien qu’il veillât comme un ange protecteur sur les jeunes gens, il ne faisait rien néanmoins pour arrêter le rapide essor de leur amour.

Lorsque l’époque du retour de monsieur Denecker approcha, les deux mois de son absence parurent à Gustave s’être envolés comme un doux rêve. Bien qu’il