Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/99

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un si grand empire sur mon cœur eussé-je dû vous demander votre assentiment ; mais je croyais voir dans votre prévenante amitié pour moi que vous aviez lu au fond de mon cœur…

Le jeune homme se tut et attendit de la bouche du gentilhomme quelques mots d’encouragement ; celui-ci le regardait avec un sourire calme, mais qui n’exprimait pas toutefois jusqu’à quel point les ouvertures du jeune homme lui agréaient. Un signe de la main, comme s’il eût voulu dire : Continuez ! fut son seul mouvement.

Gustave sentit toute sa résolution l’abandonner ; mais bientôt, surmontant ses craintes, il reprit courage et dit avec exaltation :

— Oui, j’ai aimé Lénora dès la première fois où son regard s’est arrêté sur moi ; mais si une étincelle d’amour a surgi alors dans mon cœur, depuis elle s’est changée en une flamme qui me tuera, si on veut l’éteindre. Vous croyez, Monsieur, que sa beauté a seule éveillé mon amour ? Assurément elle suffirait à charmer le plus insensible des hommes ; mais j’ai découvert dans le cœur de mon angélique amie un trésor bien plus précieux. Sa vertu, la pureté immaculée de son âme, ses sentiments à la fois doux et magnanimes, en un mot tous les dons que Dieu lui a si libéralement départis, voilà ce qui m’a conduit de l’amour à l’admiration, de l’admiration à l’adoration. Ah ! pourquoi donc vous le cacher plus longtemps ! Non, sans Lénora je ne puis plus vivre ; la seule pensée d’être séparé d’elle m’accable de tristesse et me fait trembler. J’ai besoin de la voir tous les jours, à toute heure ; d’entendre sa voix, de puiser le bonheur