Page:Constant - Adolphe.djvu/95

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de sa réputation, de sa fortune, de ses enfants. Elle m’écouta longtemps en silence ; elle était pâle comme la mort. De manière ou d’autre, me dit-elle enfin, vous partirez bientôt ; ne devançons pas ce moment ; ne vous mettez pas en peine de moi. Gagnons des jours, gagnons des heures : des jours, des heures, c’est tout ce qu’il me faut. Je ne sais quel pressentiment me dit, Adolphe, que je mourrai dans vos bras.

Nous continuâmes donc à vivre comme auparavant, moi toujours inquiet, Ellénore toujours triste, le comte de P*** taciturne et soucieux. Enfin la lettre que j’attendais arriva : mon père m’ordonnait de me rendre auprès de lui. Je portai cette lettre à Ellénore. Déjà ! me dit-elle après l’avoir lue ; je ne croyais pas que ce fût si tôt. Puis, fondant en larmes, elle me prit la main et elle me dit : Adolphe, vous voyez que je ne puis vivre sans vous ; je ne sais ce qui arrivera de mon avenir, mais je vous conjure de ne pas partir encore : trou-