le pouvoir du jour, il ne faut pas justifier les excès du pouvoir de la veille. J’admire Bonaparte quand il couvre de gloire les drapeaux de la nation qu’il gouverne. Je l’admire, quand, prévoyant l’instant où la mort brisera son bras de fer, il dépose dans le Code civil des germes d’institutions libérales ; je l’admire quand il défend le sol de la France ; mais, je le déclare, sa persécution d’un des plus beaux talents de ce siècle, son acharnement contre l’un des caractères les plus élevés de notre époque, sont dans son histoire une tache ineffaçable. L’exil d’Ovide a flétri la mémoire d’Auguste, et si Napoléon, à beaucoup d’égards, est bien supérieur au triumvir qui prépara la perte de Rome, sous le prétexte banal d’étouffer l’anarchie, le versificateur licencieux qu’il envoya périr sous un ciel lointain n’était en rien comparable à l’écrivain qui a consacré sa vie entière à la défense de toutes les pensées nobles, et qui, au milieu de tant d’exemples de dégradation et d’apostasie, est resté fidèle aux principes de liberté et de dignité sans lesquels l’espèce humaine ne serait qu’une horde de barbares ou un troupeau d’esclaves. Quant à l’amour de mme de Staël pour cette France dont une tyrannie si impitoyable la tenait séparée, il faut n’avoir pas lu même les « Dix années d’exil » pour méconnaître l’empire qu’avait sur son âme cet amour indestructible. Les victoires des alliés renversaient la
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