Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/104

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mon père. L’aubergiste me reconnut, paya ma dette et me prêta de quoi continuer ma route. Mais il m’avait pris une telle peur de manquer d’argent que, pendant que l’on mettait les chevaux, je courus chez un négociant que j’avais vu à Bruxelles, et que je me fis donner encore quelques louis, quoique, selon toutes les probabilités, ils dussent m’être fort inutiles. Enfin le lendemain, j’arrivai à Bois-Le-Duc. J’étais dans la plus horrible angoisse, et je restai quelque temps sans avoir la force de me faire conduire au logement que mon père habitait. Il fallut pourtant prendre mon courage à deux mains et m’y rendre. Pendant que je suivais le guide qu’on m’avait donné, je frémissais et des justes reproches qui pourraient m’être adressés, et plus encore de la douleur et peut-être de l’état de maladie causé par cette douleur dans lequel je pourrais trouver mon père. Ses dernières lettres m’avaient déchiré le cœur. Il m’avait mandé qu’il était malade du chagrin que je lui faisais, et que si je prolongeais mon absence, j’aurais sa mort à me reprocher. J’entrai dans sa chambre. Il jouait au whist avec trois officiers de son régiment.