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XVI

FUGUE EN ANGLETERRE.

Lettre à madame de Charrière.

Douvres, 26 juin 1787.

Il y a dans le monde, sans que le monde s’en doute, un grave auteur allemand qui observe avec beaucoup de sagesse à l’occasion d’une gouttière qu’un soldat fondit pour en faire des balles, que l’ouvrier qui l’avait posée ne se doutait point qu’elle tuerait quelqu’un de ses descendants. C’est ainsi, madame (car c’est comme cela qu’il faut commencer pour donner à ses phrases toute l’ampleur philosophique), c’est ainsi, dis-je, que lorsque tous les jours de la semaine dernière, je prenais tranquillement du thé en parlant raison avec vous, je ne me doutais pas que je ferais avec toute ma raison une énorme sottise, que l’ennui réveillant en moi l’amour me ferait perdre la tête, et qu’au lieu de partir pour Bois-le-Duc, je partirai pour l’Angle-