Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/136

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terre presque sans argent et absolument sans but. C’est cependant ce qui est arrivé de la façon la plus singulière. Samedi dernier à sept heures, mon conducteur et moi partîmes dans une petite chaise qui nous cahota si bien que nous n’eûmes pas fait une demi-lieue que nous ne pouvions plus y tenir, et que nous fûmes obligés de revenir sur nos pas à neuf. De retour à Paris, il se mit à chercher un autre véhicule pour nous traîner en Hollande ; et moi qui me proposais de vous faire ma cour encore ce soir-là, puisque nous ne partions que le lendemain, je m’en retournai chez moi pour chercher un habit que j’avais oublié. Je trouvai sur ma table la réponse sèche et froide de la prudente Jenny. Cette lettre, le regret sourd de la quitter, le dépit d’avoir manqué cette affaire, le souvenir de quelques conversations attendrissantes que nous avions eues ensemble, me jetèrent dans une mélancolie sombre… Je me représentai, moi, pauvre diable, ayant manqué dans mes projets, plus ennuyé, plus malheureux, plus fatigué que jamais de ma triste vie ; je me figurai ce pauvre père trompé dans toutes ses espérances, n’ayant pour consolation dans sa vieillesse qu’un homme