Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/37

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malheureux mot d’amitié. La pauvre femme, qui probablement avait eu affaire à des gens plus avisés, ne savait comment se conduire dans cette scène, d’autant plus embarrassante pour elle que je ne faisais aucun mouvement qui la mît à même de la terminer d’une manière agréable pour tous deux.

Je me tenais toujours à dix pas et quand elle s’approchait de moi pour me calmer ou me consoler, je m’éloignais en lui répétant que, puisqu’elle n’avait pour moi que de l’amitié, il ne me restait plus qu’à mourir. Elle ne put tirer de moi autre chose pendant quatre heures, et je m’en allai, la laissant, je crois, très ennuyée d’un amant qui disputait sur un synonyme.

Je passai de la sorte trois ou quatre mois, devenant chaque jour plus amoureux, parce que je me butais chaque jour plus contre une difficulté que j’avais créée moi-même, et ramené d’ailleurs chez madame Trevor, au moins autant par mon goût pour le jeu que par mon ridicule amour ; madame Trevor se prêtait à la bizarrerie de mon manège avec une patience admirable. Elle répondait à toutes mes lettres, me recevait chez elle tête à tête et me gardait jusqu’à trois