absurdes. Mais il n’y avait, je crois, jamais eu d’amour au fond de mon cœur. Ce qu’il y a de sûr, c’est que le lendemain du jour où il fallut renoncer à ce projet, je fus complètement consolé[1].
La personne qui, même pendant que je faisais toutes ces enrageries, occupait véritablement ma tête et mon cœur, c’était madame de Charrière. Au milieu de toute l’agitation de mes lettres romanesques, de mes propositions d’enlèvement, de mes menaces de suicide et de mon empoisonnement théâtral, je passai des heures, des nuits entières à causer avec madame de Charrière, et pendant ces conversations, j’oubliai mes inquiétudes sur mon père, mes dettes, mademoiselle Pourras et le monde entier. Je suis convaincu que, sans ces conversations, ma conduite eût été beaucoup moins folle. Toutes les opinions de madame de Charrière reposaient sur le mépris de toutes les convenances et de tous les usages. Nous nous moquions à qui mieux mieux de tous ceux que nous voyions : nous nous enivrions de nos plaisanteries et de notre mépris de l’espèce
- ↑ Voir Appendice XV, p. 118.