Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/63

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jeune anglais l’avait enlevée, en mettant le feu à la maison où elle demeurait, et elle avait continué, après avoir été quittée par ce premier amant, à faire un métier que sa jolie figure rendait lucratif. Ayant amassé quelque argent, elle s’était fait épouser par un M. de Linières qui était mort, et devenue veuve et comtesse, elle tenait une maison de jeu. Elle avait bien quarante-cinq ans, mais pour ne pas renoncer entièrement à son premier état, elle avait fait venir une jeune sœur d’environ vingt ans, grande, fraîche, bien faite et bête à faire plaisir. Il y venait en hommes quelques gens comme il faut, et beaucoup d’escrocs. On y tomba sur moi à qui mieux mieux. Je passais la moitié des nuits à y perdre mon argent : puis, j’allais causer avec Madame De Charrière qui ne se couchait qu’à six heures du matin, et je dormais la moitié du jour. Je ne sais si ce beau genre de vie parvint aux oreilles de mon père, ou si la seule nouvelle de mon peu de succès auprès de mademoiselle Pourras le décida à me faire quitter Paris. Mais au moment où je m’y attendais le moins, je vis arriver chez moi un M. Benay, lieutenant dans son régiment,