Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/64

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chargé de me conduire auprès de lui à Bois-Le-Duc.

J’avais le sentiment que je méritais beaucoup de reproches, et l’espèce de chaos d’idées où la conversation de madame de Charrière m’avait jeté me rendait d’avance, tout ce que je me croyais destiné à entendre, insupportable. Je me résignai cependant et l’idée de ne pas obéir à mon père ne me vint pas. Mais une difficulté de voiture retarda notre départ. Mon père m’avait laissé à Paris une vieille voiture dans laquelle nous étions venus, et, dans mes embarras d’argent, j’avais trouvé bon de la vendre. M. Benay, comptant sur cette voiture, était venu dans un petit cabriolet à une place. Nous essayâmes de trouver une chaise de poste chez le sellier qui m’avait acheté celle de mon père : mais il n’en avait point ou ne voulut pas nous en prêter. Cette difficulté nous arrêta tout un jour. Pendant cette journée, ma tête continua à fermenter, et la conversation de madame de Charrière ne contribua pas peu à cette fermentation. Elle ne prévoyait sûrement pas l’effet qu’elle produirait sur moi. Mais en m’entretenant sans cesse de la bêtise de l’espèce humaine, de l’absurdité des