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piraient l’auteur du quatrain suivant que nous a conservé Grimarest :

Il faut qu’elle ait été charmante
Puisqu’aujourd’hui, malgré ses ans,
À peine des charmes naissants
Égalent sa beauté mourante.

Le portrait que donne de mademoiselle de Brie M. Hillemacher dans sa Galerie de la troupe de Molière, confirme ce quatrain, et nous avons préféré la description de ce portrait à celui, plus fantaisiste, mais assurément moins vrai, que nous en donne un auteur du XVIIe siècle lorsqu’il dit que la De Brie était « un vrai squelette. »

C’est sans doute pour confirmer la vérité de son portrait que le même auteur rapporte ce mot de Molière à un de ses amis qui s’étonnait de le voir aller quelquefois chez la De Brie : « Je suis accoutumé à ses défauts ; je n’ai ni le temps, ni la patience de m’accommoder aux imperfections d’une autre. »

Autant Edme Villequin, son mari, était d’un caractère violent et emporté, difficile à vivre, autant mademoiselle De Brie, sa femme[1] était d’un caractère doux, conciliant et paisible ; et, ces différences de caractères se trouvent parfaitement accusées dans les rôles divers que Molière avait soin de distribuer à ces deux comédiens. Il est d’ailleurs fort curieux de remarquer combien notre grand poëte comique était soucieux de la distribution des rôles dans toutes ses pièces ; chaque acteur jouait toujours le personnage qui se rapprochait le plus de son caractère propre, et comme cette remarque semble ne rencontrer nulle part une plus juste application que pour les époux De Brie, nous allons donner la liste complète des différents rôles tenus par ces deux acteurs dans le répertoire de Molière :


Rôles de Villequin de Brie. — La Rapière, dans le Dépit amoureux ; Almanzor, dans les Précieuses ridicules ; Villebrequin, dans le Cocu imaginaire; un commissionnaire, dans l’École des

  1. On désignait alors sous le nom de demoiselle les femmes mariées, filles de parents nobles. « Ah ! qu’une femme demoiselle, s’écrie Georges Dandin, est une étrange affaire ! »