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Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/296

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MADAME D’AULNOY.

honneur et plaisir. « Il y a quelques jours que je vous attends, seigneur, continua-t-il, je suis dans vos intérêts, et ceux de l’infante me sont chers. Il faut que vous la retiriez du lieu fatal où la vindicative Fanfreluche l’a mise en prison ; c’est dans une bouteille. — Ah ! que me dites-vous ? s’écria le prince, l’infante est dans une bouteille ! — Oui, dit le sage vieillard, elle y souffre beaucoup ; mais je vous avertis, seigneur, qu’il n’est pas aisé de vaincre les géants et les dragons qui la gardent, à moins que vous ne suiviez mes conseils. Il faut laisser ici votre bon cheval, et que vous montiez sur un dauphin ailé que je vous élève depuis longtemps. » Il fit venir le dauphin sellé et bridé, qui faisait si bien des voltes et des courbettes que Criquetin en fut jaloux.

Biroquie et ses compagnes s’empressèrent aussitôt d’armer le prince. Elles lui mirent une brillante cuirasse d’écailles de carpes dorées ; on le coiffa de la coquille d’un gros limaçon, qui était ombragée d’une large queue de morue, élevée en forme d’aigrette ; une naïade le ceignit d’une anguille, de laquelle pendait une redoutable épée faite d’une longue arête de poisson. On lui donna ensuite une large écaille de tortue dont il se fit un bouclier ; et, dans cet équipage, il n’y eut si petit goujon qui ne le prît pour le dieu des soles : car il faut dire la vérité, ce jeune prince avait un certain air qui se rencontre rarement parmi les mortels.

L’espérance de retrouver bientôt la charmante princesse qu’il aimait lui inspira une joie dont il n’avait pas été capable depuis sa perte ; et la chronique de ce fidèle conte marque qu’il mangea de bon appétit chez Biroqua, et qu’il remercia toute la compagnie en des termes peu communs. Il dit adieu à son Criquetin, puis monta sur le poisson volant qui partit aussitôt.

Le prince se trouva à la fin du jour si haut, que, pour se reposer un peu, il entra dans le royaume de la Lune. Les raretés qu’il y découvrit auraient été capables de l’arrêter, s’il avait eu un désir moins pressant de tirer son infante de la bouteille où elle vivait depuis plusieurs mois.

L’Aurore paraissait à peine, lorsqu’il la découvrit environnée des géants et des dragons que la fée, par la vertu de sa petite baguette, avait retenus auprès d’elle. Elle croyait si peu que quelqu’un eût assez de pouvoir pour la délivrer, qu’elle se reposait seulement sur la vigilance de ses terribles gardes pour la faire souffrir.

Cette belle princesse regardait pitoyablement le ciel et lui adressait ses tristes plaintes, quand elle vit le dauphin volant et le chevalier qui