Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/431

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bergère, depuis qu’il est jour je suis occupée après ce mouton ; mes peines ont été inutiles, je suis si lasse que je ne puis respirer ; il n’y a guère de jours qu’il ne m’arrive quelque nouveau malheur, et je ne trouve personne qui y prenne part.

— Certainement je vous plains, dit Belle-Belle ; mais pour vous marquer ma pitié, je veux vous aider. Elle descendit aussitôt de cheval ; il était si docile, qu’elle ne prit pas la peine de l’attacher pour l’empêcher de s’enfuir ; et sautant par-dessus la haie, après avoir essuyé quelques égratignures, elle se jeta dans le fossé. Elle se tourmenta tant qu’elle retira le bien-aimé mouton. Ne pleurez plus, ma bonne mère, dit-elle à la bergère, voilà votre mouton, et pour avoir été longtemps dans l’eau, je le trouve encore bien gai.

— Vous n’avez pas obligé une ingrate, dit la bergère, je vous connais, charmante Belle-Belle, je sais où vous allez, et tous vos desseins ; vos sœurs ont passé par ce pré, je le connaissais bien aussi, et je n’ignore pas ce qu’elles avaient dans l’esprit, mais elles m’ont paru si dures ; et leur procédé avec moi a été si peu gracieux, que j’ai trouvé le moyen d’interrompre leur voyage : la chose est fort différente à votre égard ; vous l’éprouverez, Belle-Belle, car je suis fée, et mon inclination me porte à combler de biens ceux qui le méritent. Vous avez là un cheval dont la maigreur effraye ; je veux vous en donner un. Aussitôt elle toucha la terre de sa houlette, et sur-le-champ Belle-Belle entendit hennir derrière un buisson : elle regarda promptement, elle aperçut le plus beau cheval du monde : il se mit à courir et à sauter dans le pré. Belle-Belle, qui aimait les chevaux, était ravie d’en voir un si parfait, lorsque la fée appela ce beau coursier, et le touchant de sa houlette, elle dit : fidèle Camarade, sois mieux harnaché que le meilleur cheval de l’empereur Matapa. Sur le champ Camarade eut une housse de velours vert, en broderie de diamants et de rubis, une selle de même, et une bride toute de perles, avec les bossettes et le mords d’or ; enfin l’on ne pouvait rien trouver de plus magnifique.

« Ce que vous voyez, dit la fée ; est la moindre chose que l’on doive admirer dans ce cheval. Il a bien d’autres talents dont je veux vous parler. Premièrement il ne mange qu’une fois en huit jours ; il ne faut point prendre la peine de le panser ; il sait le passé, le présent et l’avenir ; il est à mon service depuis longtemps, je l’ai façonné comme pour moi.

Lorsque vous souhaiterez d’être informée de quelque affaire, ou que vous aurez besoin de conseil, il ne faut que vous adresser à lui.