Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/432

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Il vous donnera de si bons avis, que les souverains seraient bienheureux d’avoir des conseillers qui lui ressemblassent ; il faut donc que vous le regardiez plutôt comme votre ami que comme votre cheval. Au reste, votre habit n’est point à mon gré, je veux vous en donner un qui vous siéra fort bien ; elle frappa la terre de sa houlette, il en sortit un grand coffre couvert de maroquin du levant, clouté d’or : les chiffres de Belle-Belle étaient dessus ; la fée chercha parmi les herbes une clef d’or faite en Angleterre, elle en ouvrit le coffre ; il était doublé de peau d’Espagne tout en broderie : il y avait dedans douze habits, douze cravates, douze épées, douze plumets, et ainsi de tout par douzaine ; les habits étaient si couverts de broderie et de diamants, que Belle-Belle avait de la peine à les soulever : choisissez celui qui vous plaît davantage, lui dit la fée, et pour les autres ils vous suivront ; partout, vous n’aurez qu’à frapper du pied, en disant, coffre de maroquin, viens à moi plein d’habits ; coffre de maroquin, viens à moi plein de linge et de dentelles ; coffre de maroquin, viens à moi plein de pierreries et d’argent ; aussitôt vous le verrez ou dans la campagne, ou dans votre chambre. Il faut aussi que vous choisissiez un nom ; car Belle-Belle ne convient pas au métier que vous allez : faire ; il me semble que vous pouvez vous appeler le chevalier Fortuné. Mais il est bien juste encore que vous me connaissiez, je vais prendre ma figure ordinaire devant vous. En même temps elle laissa tomber sa vieille peau, et parut si merveilleuse qu’elle éblouit les yeux de Belle-Belle. Son habit était de velours bleu, doublé d’hermine ; ses cheveux nattés avec des perles, et sur sa tête une superbe couronne.

Belle-Belle, transportée d’admiration, se jeta à ses pieds, et s’y prosterna avec un respect et une reconnaissance inexprimables. La fée la releva et l’embrassa tendrement ; elle lui dit de prendre un habit de brocard or et vert : elle obéit à ses ordres ; et montant à cheval, elle continua son voyage, si pénétrée de toutes les choses extraordinaires qui venaient de se passer qu’elle ne pensait plus qu’à cela.

En effet elle se demandait à elle-même par quel bonheur inespéré elle avait pu s’attirer la bienveillance d’une fée si puissante ; car enfin, disait-elle, je ne lui étais pas nécessaire pour retirer son mouton ; puisqu’un seul coup de sa baguette pourrait faire revenir un troupeau tout entier des Antipodes, s’il y était allé. J’ai été bien heureuse de me trouver si disposée à l’obliger ; ce rien que j’ai fait pour elle est cause de tout ce qu’elle a fait pour moi ; elle a connu mon cœur, et mes senti-