Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/433

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ments lui ont été agréables. Ah ! si mon père me voyait à présent si magnifique et si riche, quelle joie pour lui ! mais tout au moins j’aurai le plaisir de partager avec ma famille les biens qu’elle m’a fait ?

En achevant ces diverses réflexions, elle arriva dans une belle ville fort peuplée ; elle s’attira les yeux de tout le monde, on la suivait, on l’entourait, et chacun disait, s’est-il jamais vu un chevalier plus beau, mieux fait, et plus richement habillé ? Qu’il a de grâce à manier ce superbe cheval !

On lui faisait de profondes révérences, il les rendait d’un air honnête et civil. Lorsqu’il voulut entrer dans l’hôtellerie, le gouverneur, qui se promenait, et qui l’avait admiré en passant, envoya un gentilhomme lui dire qu’il le priait de venir en son château. Le chevalier Fortuné (car enfin il faut l’appeler ainsi) répliqua que n’ayant point l’honneur d’être connu de lui, il ne voulait pas prendre cette liberté, qu’il irait le voir, qu’il le suppliait de lui donner un de ses gens, auquel il pût confier quelque chose de conséquence pour porter à son père. Le gouverneur lui envoya aussitôt un homme très fidèle, et Fortuné l’engagea de revenir le soir, parce que ses dépêches n’étaient pas encore commencées.

Il s’enferma dans sa chambre, puis frappant du pied, il dit, coffre de maroquin, viens à moi plein de diamants et de pistoles ; aussitôt le coffre parut, mais il n’y avait point de clef ; et où la trouver ? Quel dommage de rompre une ferrure toute d’or, émaillée de plusieurs couleurs ? De plus, que n’aurait-il pas eu à craindre de l’indiscrétion d’un serrurier ? À peine aurait-il parlé des trésors du chevalier, que les voleurs se seraient assemblés pour le voler, et peut-être qu’ils l’auraient tué.

Le voilà donc à chercher la clef d’or partout ; et plus il la cherchait, et moins il la trouvait : quelle désolation, s’écriait-il ? Je ne pourrai me prévaloir des bontés de la fée, ni faire part à mon père du bien qu’elle m’a fait. En rêvant ainsi, il pensa que le meilleur parti à prendre c’était de consulter son cheval ; il descendit dans l’écurie et lui dit tout bas : je te prie, mon Camarade, apprends-moi où je pourrai trouver la clef du coffre de maroquin ? Dans mon oreille, répondit-il ; Fortuné regarda dans l’oreille de son cheval, il aperçoit un ruban vert, il le tire, et voit la clef qu’il souhaitait tant d’avoir : il ouvrit le coffre de maroquin, où il y avait plus de diamants et plus de pistoles qu’il n’en pourrait tenir dans un muid. Le chevalier en remplit trois cassettes, une pour