Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/459

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parlé le reste du jour que de la folie du nouvel ambassadeur et Matapa jura qu’il le ferait mourir s’il ne tenait sa parole.

Fortuné étant revenu à l’hôtel des ambassadeurs où il logeait, il appela Grugeon, et lui dit : c’est cette fois-ci qu’il faut te préparer à manger du pain, il y va de tout pour nous. Il lui apprit là-dessus ce qu’il avait promis à l’empereur. Ne vous inquiétez pas, mon maître, lui dit Grugeon, je mangerai tant qu’ils en seront plutôt las que moi. Fortuné ne laissa pas de craindre qu’il n’en pût venir à bout ; il défendit qu’on lui donnât à souper, afin qu’il déjeunât mieux ; mais cette précaution était inutile.

L’empereur, l’impératrice et la princesse se placèrent sur un balcon pour voir mieux ce qui allait se passer. Fortuné arriva avec son petit cortège ; et lorsqu’il aperçut dans la grande place six montagnes de pain, plus hautes que les Pyrénées, il ne put s’empêcher de pâlir. Grugeon n’en fit pas de même ; car l’espérance de manger tant de bon pain lui faisait grand plaisir ; il pria qu’on n’en réservât pas le plus petit morceau, disant qu’il voulait même avoir le reste des souris. L’empereur plaisantait avec toute sa cour de l’extravagance de Fortuné et de ses gens, mais Grugeon impatient, demanda le signal pour commencer : on le lui donna par le bruit des trompettes et des tambours, en même temps il se jeta sur une des montagnes de pain, qu’il mangea en moins d’un quart d’heure, et toutes les autres forent gobées de même.

Il n’a jamais été un étonnement pareil, tout le monde demandait s’il n’avait point fasciné leurs yeux, et l’on allait toucher à l’endroit où les pains avaient été apportés : il fallut que ce jour-là, depuis l’empereur jusqu’au chat, tout dînât sans pain.

Fortuné, infiniment content de ce bon succès, s’approche de l’empereur, et lui demande avec beaucoup de respect, s’il avait agréable de lui tenir sa parole. L’empereur, un peu irrité d’avoir été pris pour dupe, lui dit : monsieur l’ambassadeur, c’est trop manger sans boire, il faut que vous ou quelqu’un de vos gens buviez toute l’eau des fontaines, des aqueducs et des réservoirs de toute la ville, et tout le vin qui se trouvera dans les caves ; Seigneur, dit Fortuné vous voulez me mettre dans l’impossibilité d’obéir à vos ordres ; mais au fond, je ne laisserais pas de tenter l’aventure, si je pouvait me flatter que vous rendrez au roi mon maître ce que je vous ai demandé de sa part. Je le ferai dit l’empereur si vous pouvez réussir dans votre entreprise. Le chevalier demanda à l’empereur s’il y serait présent, il répliqua que la chose était