Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/464

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armée de l’empereur périt, sans qu’il s’en sauvât un seul pour lui en aller dire des nouvelles.

Chacun, joyeux d’un événement si favorable, ne songea plus qu’à demander la récompense qu’il croyait avoir méritée ; ils voulaient se rendre les maîtres de tous les trésors qu’ils emportaient, lorsqu’il s’éleva une grande dispute entre eux sur le partage.

Si je n’avais pas gagné le prix, disait le coureur, vous n’auriez rien ; et si je ne t’avais pas entendu ronfler, dit Fine-Oreille, où en étions-nous ? Qui t’aurait réveillé sans moi, répartit le bon Tireur ? En vérité, ajouta Forte-Échine, je vous admire avec vos contestations ; quelqu’un me doit-il disputer l’avantage de choisir, puisque j’ai eu la peine de porter tout ? sans mon secours vous ne feriez point dans l’embarras de partager. Dites plutôt sans le mien, répartit Trinquet ; la rivière, que j’ai bue comme un verre de limonade, vous aurait un peu embarrassés. On l’aurait été bien autrement, si je n’avais pas renversé les bateaux, dit l’Impétueux. J’ai gardé le silence jusqu’à présent, interrompit Grugeon ; mais je ne puis m’empêcher de représenter, que c’est moi qui ai ouvert la scène aux grands événements qui se sont passés, et que si j’avais laissé seulement une croûte de pain, tout était perdu. Mes amis, dit Fortuné d’un air absolu, vous avez tous fait des merveilles ; mais nous devons laisser au roi le soin de reconnaître nos services ; je serais bien fâché d’être récompensé d’une autre main que de la sienne : croyez-moi, remettons tout à sa volonté ; il nous a envoyés pour rapporter ses trésors, et non pas pour les voler ; cette pensée est même si honteuse, que je suis d’avis que l’on n’en parle jamais, et je vous assure qu’en mon particulier je vous ferai tant de bien, que vous n’aurez rien à regretter, quand bien même il serait possible que le roi vous négligeât.

Les sept doués se sentirent pénétrés de la remontrance de leur maître ; ils se jetèrent à ses pieds, et lui promirent de n’avoir point d’autre volonté que la sienne ; ainsi ils achevèrent leur voyage. Mais l’aimable Fortuné, en approchant de la ville, se sentait agité de mille troubles différents ; la joie d’avoir rendu un service considérable à son roi, à celui pour qui il ressentait un attachement si tendre, l’espérance de le voir, d’en être favorablement reçu, tout cela le flattait agréablement. D’ailleurs, la crainte d’irriter encore la reine, et d’éprouver de nouvelles persécutions de sa part et de celle de Floride, le jetait dans un étrange abattement ; enfin il arriva, et tout le peuple, ravi de voir tant de richesses qu’il