Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/465

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rapportait, le suivait avec mille acclamations, dont le bruit parvint jusqu’au palais.

Le roi ne put croire une chose si extraordinaire, il courut chez la reine pour l’en informer ; elle demeura d’abord tout éperdue, mais ensuite se remettant un peu : vous voyez dit-elle, que les Dieux le protègent ; il a heureusement réussi, et je ne suis pas surprise qu’il entreprenne ce qui paraît impossible au autres. En achevant ces mots, elle vit entrer Fortuné ; il informa leurs majestés du succès de son voyage, ajoutant que les trésors étaient dans le parc, parce qu’il avait tant d’or, de pierreries et de meubles, qu’on n’avait point d’endroits assez grands pour les mettre ; il est aisé de croire que le roi témoigna beaucoup d’amitié à un sujet si fidèle, si zélé et si aimable.

La présence du Chevalier, et tous les avantages qu’il avait remportés, rouvrirent dans le cœur de la reine une blessure qui n’était point encore fermée ; elle le trouvait plus charmant que jamais, et sitôt qu’elle put être en liberté de parler à Floride, elle recommença ses plaintes ordinaires. Tu vois ce que j’ai fait pour le perdre, lui disait-elle, je n’imaginais que ce seul moyen de l’oublier ; une fatalité sans pareille me le ramène toujours, et quelques raisons que j’eusse de mépriser un homme qui m’est si inférieur, et qui ne paye mes sentiments que d’une noire ingratitude, je ne laisse pas de l’aimer encore, et de me résoudre enfin à l’épouser secrètement : à l’épouser, madame s’écria Floride ! est-ce une chose possible ? ai-je bien entendu ? Oui, reprit la reine, tu as entendu mon dessein, il faut que tu le secondes ; je te charge de mener Fortuné ce soir dans mon cabinet, je veux lui déclarer moi-même jusqu’où vont mes bontés pour lui. Floride, au désespoir d’être choisie pour contribuer au mariage de sa maîtresse et de son amant n’oublia rien pour détourner la reine de le voir ; elle lui représenta la colère du roi, s’il venait à découvrir cette intrigue, qu’il ferait peut-être mourir le chevalier, que tout au moins il le condamnerait à une prison perpétuelle, où elle ne le verrait plus. Toute son éloquence échoua, elle vit que la reine commençait à se fâcher, elle n’eut pas d’autre parti à prendre que celui d’obéir.

Elle trouva Fortuné dans la galerie du Palais, où il faisait arranger les statues d’or qu’il avait rapportées de Matapa ; elle lui dit de venir le soir chez la reine ; cet ordre le fit trembler, Floride connut sa peine.