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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/134

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CONTES SECRETS RUSSES

bien ! mets-le dans le poêle, et, quand il sera cuit, tu le mangeras. » Le moujik s’approche du poêle avec le saucisson, qu’il place juste contre les dents du Tsigane ; après l’avoir tenu là un temps assez long, il essaie encore de le manger. « Non, décidément, c’est impossible ; ce saucisson est trop cru, il résiste même à l’action du feu ! — Eh bien ! en voilà assez, laisse-le là ; si la maîtresse de la maison t’entend, elle va gronder. Pour sûr, le feu doit être tout éparpillé dans le poêle ; verse de l’eau dessus, que notre logeuse ne s’aperçoive de rien. — Mais où trouver de l’eau ? — Eh bien ! pisse dessus, cela vaudra mieux que d’aller à la cour. » Le moujik suit ce conseil et il arrose abondamment la trogne du Tsigane. Cette aspersion fait croire au Tsigane que l’inondation à lieu, et il se met à crier de toutes ses forces : « Eh ! batouchka, nous sommes inondés ! » Ces cris réveillent le pope, il veut immédiatement mettre à l’eau sa nacelle improvisée, et il fait choir sur le parquet l’auge dans laquelle il se trouve. « Oh ! mon Dieu ! » gémit l’ecclésiastique qui s’est rompu toutes les côtes ; « quand un petit enfant tombe, la Providence place sous lui un coussin pour amortir sa chute, et quand le même accident arrive à un vieillard, le diable lui présente une herse. À présent, me voilà tout brisé ! À coup sûr, je ne pourrai pas trouver mon coquin d’ouvrier. — Tu feras mieux de ne pas chercher