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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/155

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CONTES SECRETS RUSSES

de l’enterrer. » À ces mots, le pope entra dans une violente colère, il saisit le vieillard par la barbe et le secoua avec force : « Ah ! maudit, à quoi penses-tu ? Enterrer un bouc puant ! — Mais, batouchka, ce bouc était tout à fait orthodoxe ; il t’a légué deux cents roubles. — Écoute ! vieux barbon, » reprit l’ecclésiastique, « si je te houspille, ce n’est pas parce que tu me demandes d’enterrer ton bouc, mais parce que tu as attendu jusqu’à ce moment pour m’informer de son décès : il est peut-être mort depuis longtemps déjà ! » Et après avoir pris les deux cents roubles du paysan, le pope continua en ces termes : « Eh bien, va tout de suite trouver le père diacre, dis-lui de se préparer, nous allons immédiatement enterrer le bouc. »

Le vieillard se rendit chez le diacre et lui dit : « Donne-toi la peine, père diacre, de venir chez moi pour procéder à un enterrement. — Qui est-ce qui est donc mort chez toi ? — Mais vous connaissiez mon bouc, c’est lui qui est mort. — Comment ! » fit le diacre et il appliqua un formidable soufflet sur la joue du visiteur. — « Ne me bats pas, père diacre, » reprit le paysan, « mon bouc était tout à fait orthodoxe ; en mourant il t’a légué cent roubles pour ses funérailles. — Eh ! que tu es bête, tout vieux que tu es ! » répliqua le diacre ; « pourquoi ne m’as-tu pas dit plus tôt qu’il était mort chrétiennement ? Va vite chez le sacristain : qu’il sonne les cloches pour le trépas du bouc. » Le vieillard courut chez le sacristain.