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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/173

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CONTES SECRETS RUSSES

trompée, » observa la vieille, après lui avoir palpé l’abdomen, « hier, au premier regard jeté sur toi, j’ai deviné que tu avais quelque chose de mauvais, un ictère dans le voisinage du cœur. — Traite-moi, je t’en prie, grand’mère. — Sans doute, puisque tu es malade, il faut te traiter ; mais sauras-tu supporter le traitement ? Je t’avertis qu’il est douloureux. — Fais-moi tout ce que tu veux ; quand tu me taillerais le corps avec un couteau, peu m’importe, pourvu que tu me guérisses ! — Eh bien ! mets-toi là, debout, passe ta tête par la fenêtre et examine de quel côté il passe le plus de monde, si c’est à droite ou à gauche ; mais ne regarde pas derrière toi, autrement mon remède ne produirait aucun effet, et tu mourrais d’ici à quinze jours. » Tandis que la jeune fille, docile à ces instructions, regardait dans la rue, la vieille lui écarta les jambes : « Penche-toi un peu plus sur l’appui de la croisée, » dit-elle, « et ne te retourne pas, je vais te frictionner avec de l’onguent de goudron. » Puis, à voix basse, elle appela son neveu : « Allons, à la besogne ! » Le gars s’approcha de la jeune fille et lui fourra son onguent à quatre verchoks de profondeur. Sentant le remède agir, la patiente commença à frétiller du κυλ. « Grand’mère ! chère grand’mère ! » s’écria-t-elle, « frictionne-moi, frictionne-moi encore avec ton onguent de goudron ! » Grigorii, son affaire achevée, se retira derrière le poêle. « Eh bien ! ma fille, » dit la vieille, « à présent, tu vas être su-