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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/175

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CONTES SECRETS RUSSES

la fortune qui fait le bonheur, » repartit l’autre, et il retourna chez lui. La fille du marchand appela une vieille mendiante : « Suis ce jeune homme, » lui ordonna-t-elle, « et sache ce qu’il va manger pour son dîner : tu ne m’auras pas donné pour rien ce renseignement. » Quand le jeune homme fut arrivé chez lui, la mendiante, qui lui avait emboîté le pas, demanda la permission de se reposer un moment dans l’izba ; on la laissa entrer. La plus grande pauvreté régnait dans cette maison. « Ma mère, » demanda le jeune homme, « y a-t-il quelque chose à manger ? — Il y a du chtchi d’hier et du kacha d’avant-hier. — Donne-moi le kacha. » La mère servit ce mets, en faisant remarquer qu’on n’avait pas de beurre. — « Si tu pouvais seulement me donner du suif ? — Tiens, voilà un bout de chandelle. » Il mêla cet assaisonnement à son kacha et se mit à manger avec avidité.

La mendiante raconta tout cela à la fille du marchand. Peu après, le jeune homme repassa devant la maison du marchand ; il toussa, cracha, puis fit entendre sa phrase accoutumée : « Je me suis engoué à manger de l’oie ! — Il a mangé du kacha avec un bout de chandelle ! » cria par la fenêtre la fille du marchand. — « Ah ! que le diable l’emporte ! Comment sait-elle cela ? Pour sûr, c’est la mendiante qui le lui a appris ! » Il se mit à la recherche de cette femme et, l’ayant retrouvée, lui dit : « Ne peux-tu pas arranger cette affaire ? quand