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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/183

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CONTES SECRETS RUSSES

ans ? » Il l’appela et lui parla en ces termes : Écoute, moujik : voici dix lièvres, mène-les paître dans la campagne, mais aie soin de n’en perdre aucun, sinon tu resteras encore trois ans chez moi. » Le moujik n’eut pas plus tôt lâché les lièvres dans la campagne qu’ils s’enfuirent tous de divers côtés. « Que faire ? » pensa-t-il ; « à présent c’en est fait de moi ! » Il s’assit quelque part et se mit à pleurer.

Tout à coup se montre un vieillard : « Pourquoi pleures-tu, moujik ? » demanda-t-il. — « Comment ne pleurerais-je pas, vieillard ? Mon maître m’avait chargé de faire paître des lièvres, ils se sont tous enfuis, maintenant ma perte est inévitable ! » Le vieillard lui donna un chalumeau en disant : « Tiens, tu n’auras qu’à jouer de cet instrument pour les voir accourir tous auprès de toi. » Le paysan remercia, prit le chalumeau, et dès qu’il eut commencé à en jouer, tous les lièvres revinrent vers lui. Il les ramena chez son maître, qui, après les avoir comptés, dut reconnaître qu’il n’en manquait pas un seul. « Eh bien ! que faire ? » dit ensuite le barine à sa femme, « quel moyen de prendre en faute ce moujik ? — J’ai une idée, mon ami : demain, pendant qu’il fera paître les lièvres, j’irai le trouver sous un déguisement, et je lui en achèterai un. — Allons, très bien ! »

Le lendemain matin, le moujik sortit du village avec les lièvres et, au moment où il approchait d’un bois, tous s’enfuirent qui d’un côté, qui de l’autre.