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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/184

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CONTES SECRETS RUSSES

Quant au moujik, il s’assit sur l’herbe et se mit à tresser des chaussures de tille. Soudain arrive une dame en équipage, elle fait arrêter, s’avance vers le paysan et l’interpelle : « Qu’est-ce que tu fais ici, moujik ? — Je fais paître des bestiau. — Quels bestiaux ? » Il prit son chalumeau et, sitôt qu’il eut commencé à s’en servir, tous les lièvres se réunirent autour de lui. « Ah ! moujik, » dit la dame, « vends-moi un petit lièvre. — C’est absolument impossible, ils appartiennent à mon maître, et il est fort sévère ! Il serait dans le cas de me manger ! » La barinia insista : « Cède-m’en un, je t’en prie ! » Voyant combien elle désirait avoir un lièvre, le moujik répondit : « J’ai fait un vœu, ma dame. — Quel vœu ? — Celui de donner un lièvre à la personne qui se laissera βαισερ par moi. — Accepte plutôt de l’argent, moujik ! — Non, il ne me faut rien d’autre. » De guerre lasse, elle se résigna à subir cette condition : le moujik la βαισα et lui donna un lièvre : « Seulement, madame, » dit-il, « tiens-le tout doucement pour ne pas l’étrangler. » Elle prit le lièvre, remonta en voiture et se disposa à regagner sa demeure ; mais le moujik n’eut qu’à jouer de son instrument pour que l’animal s’échappât des mains de la barinia et revînt auprès de lui. Quand la dame fut rentrée chez elle, son mari lui demanda : « Eh bien ! as-tu acheté un lièvre ? — J’en ai bien acheté un, mais aux premiers sons que le moujik a tirés de son cha-