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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/245

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CONTES SECRETS RUSSES

plus de tête. « Va vite chercher de la lumière ! Notre enfant n’est plus de ce monde ! » crie-t-il à sa femme, et il pleure sur sa fille dont il tient toujours en main le κον et le κυλ. La vieille revient avec une chandelle. « Vois donc, elle est garrottée ! Seigneur, mon Dieu, qu’est-ce que c’est que cela ? — Tenez, le voilà, le loup, diadiouchka ! » dit le voyageur en montrant son prisonnier. « Oh ! fils de chienne que tu es ! » vociféra la mère, « est-ce que tu ne pouvais pas la βαισερ tout uniment ? » Le galant fut mis dehors par les deux épaules et on délia la jeune fille. « Je t’en prie, mon ami, » dit le vieillard à son hôte, « ne parle de notre malheur à personne : pour prix de ton silence voici vingt-cinq roubles ! — Non, diadiouchka, je n’en parlerai pas ; que Dieu vous assiste ! ce n’est pas mon affaire ! »

Le lendemain matin, le paysan régala le jeune homme et lui fit la conduite jusqu’au delà du village. En retournant chez lui, le gars rencontra sur son chemin toute une bande de mendiants qui portaient des besaces. « Écoutez, pauvres gens, » leur dit-il, « allez dans tel endroit, tout au bout de ce village habite un riche paysan ; il a fait célébrer aujourd’hui un service pour sa fille qui a eu la tête mangée par les loups. C’est un bon homme, il vous recevra, vous donnera à boire et à manger, et mettra même encore quelque chose dans vos besaces. » Les mendiants se rendirent incontinent à l’adresse qui leur avait été indiquée. Arrivés dans