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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/246

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CONTES SECRETS RUSSES

la cour du paysan, ils se formèrent en rang et attendirent le dîner. « Oh ! combien il y en a ! » dit, en les apercevant, le maître de la maison. Il prit un grand pain rond et en coupa un morceau pour chacun des mendiants ; mais ceux-ci, la distribution terminée, ne bougèrent pas de leur place. « Qu’attendez-vous donc ? » leur demanda le moujik, « on vous a fait l’aumône. » — « Mais, diadiouchka, ne serait-ce pas un effet de ta bonté de nous donner à dîner en mémoire de ta fille. — Quelle fille ? — Eh bien ! celle que les loups ont dévorée. — Quel diable vous a dit cela ? il n’est rien arrivé de pareil chez moi. — C’est tel gars qui nous a envoyés chez toi. — Allons, allons, décampez ! » cria le paysan. Les mendiants se retirèrent et le moujik dit à sa femme : « Eh bien ! vieille, je suis refait ! C’est en pure perte que j’ai donné de l’argent à ce fils de chienne : il m’avait promis de ne rien dire à personne, et à peine sorti d’ici il a envoyé chez nous toute une bande de mendiants ! Pour sûr, il a maintenant répandu l’histoire dans tout le pays ! Si le copain vient à l’apprendre, voilà qui gâtera notre affaire ! »

Pendant ce temps le jeune homme continuait son chemin. Quand il arriva chez lui, ses parents lui demandèrent : « Eh bien ! mon fils, as-tu vu ta future ? — Ah ! père, ne renouvelez pas mon chagrin, il aurait bien mieux valu que je ne la visse jamais ! — Pourquoi cela ? — Celle que vous me destiniez pour femme (Dieu lui fasse paix !) a eu