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CONTES SECRETS RUSSES

et travaillait avec lui jusqu’au soir. À la nuit tombante, les deux époux revenaient chez eux, et le lendemain c’était encore la même chose.

Le paysan finit par se fatiguer de son travail. Un matin, sa femme l’ayant éveillé comme de coutume pour l’envoyer sur la campagne, il refusa de se lever et lui répondit par des injures : « Non, putain ! Désormais c’est toi qui iras moissonner et je resterai à la maison. Pendant que je fauche là-bas, toi tu fais ici la grasse matinée et tu ne viens me donner un coup de main que quand j’ai déjà travaillé tout mon soûl ! » Sa femme eut beau insister, à toutes les observations qu’elle lui adressa le moujik se borna à répliquer : « Je n’irai pas. » — « Aujourd’hui, » dit-elle, « c’est samedi, il y a beaucoup à faire à la maison : il faut laver les chemises, piler le millet pour le gruau, cuire le pain, battre le beurre… — Je ferai cela moi-même ! » répondit le paysan. — « Eh bien, fais-le ! Je vais t’apprêter la besogne. » Alors la femme alla chercher un gros paquet de linge sale, puis elle apporta à son mari la farine pour faire le pain, la crème pour faire le beurre, le millet à piler pour le gruau ; enfin, après lui avoir recommandé d’avoir l’œil sur la poule et les poulets, elle prit une faucille et partit moissonner. « Je vais encore faire un somme, » décida le paysan. Il s’enfonça dans ses couvertures et dormit jusqu’à l’heure du dîner.

En s’éveillant, à midi, il vit devant lui l’ouvrage que sa femme lui avait préparé, et il ne sut par quoi