Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Oh ! mon Dieu non, monsieur Denbigh, dit Émilie à voix basse, et les joues plus brillantes que jamais. Le cabriolet venait de s’arrêter, et elle descendit aussitôt en acceptant la main que lui présentait son frère.

— Peste ! ma sœur, s’écria John en éclatant de rire, Denbigh, à ce qu’il paraît, partage le système de Francis : il aime à ménager ses chevaux. Grace et moi, nous pensions que vous n’arriveriez jamais. En parlant ainsi, John n’était pas très-sincère ; Grace et lui n’avaient pas pensé un seul instant à eux ; tout entiers au bonheur de se trouver ensemble, ils étaient trop occupés d’eux mêmes pour s’occuper des autres.

Émilie ne répondit rien à ses épigrammes ; et saisissant le moment où les deux jeunes gens étaient allés donner quelques ordres pour leurs chevaux, elle s’empressa de lire la lettre de Chatterton.


« Je profite du départ de mon ami, M. Denbigh, qui retourne dans le sein de l’heureuse famille de laquelle la raison me force à m’exiler, pour assurer mon aimable cousine de mon respect, et la remercier de la bonté avec laquelle elle a accueilli l’expression de sentiments qu’elle ne peut payer de retour. Si j’écrivais à toute autre femme, je lui peindrais mon désespoir toujours croissant ; mais je connais Émilie et son bon cœur qui ne saurait connaître la coquetterie ni s’applaudir du malheur d’un ami, et je lui dirai que, grâce aux soins tendres et fraternels de M. Denbigh, j’ai retrouvé un peu cette résignation et ce calme que je croyais perdus pour jamais. Ô Émilie ! vous trouverez dans M. Denbigh, je n’en doute pas, une âme, des principes semblables aux vôtres ; il est impossible qu’il ait pu vous voir sans désirer posséder un tel trésor, et maintenant le désir le plus ardent de mon cœur serait de voir l’union de deux êtres si dignes l’un de l’autre, et auxquels mon amitié ne pourrait souhaiter un plus grand bonheur.

« Chatterton. »


En lisant cette lettre, Émilie se sentit presque aussi émue que si Denbigh lui-même eût été à ses pieds, sollicitant ce cœur que Chatterton le croyait digne de posséder ; et lorsqu’elle le revit, elle osait à peine regarder en face celui que son cousin lui dési-