Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et que son fils et elle mettaient tous les trois mois une somme en réserve pour lui acheter un titre ; expédient ingénieux que le capitaine avait imaginé pour se mettre en possession d’une partie de la pension de sa mère.

Eltringham avait naturellement un esprit caustique, et sans se compromettre lui-même, il trouvait toujours moyen d’amener miss Harris à lui faire quelques avances et à se mettre en scène pour ses menus plaisirs et ceux du duc, qui s’amusait beaucoup de cette mystification, sans vouloir y prendre part.

Une semaine se passa à faire usage, d’un côté, des ruses mal déguisées, et de l’autre, des sarcasmes plus mal déguisés encore ; mais Caroline était sous le charme, le marquis aurait pu lui en dire cent fois plus avec impunité ; son imagination ne lui retraçait que la gloire du triomphe, lorsqu’un gentilhomme campagnard, ami de son père, vint lui demander sa main. Quelques jours auparavant elle eût accueilli avec plaisir les vœux de cet homme respectable, mais maintenant elle ne rêvait plus qu’à la pairie, et elle rejeta ses offres avec dédain.

Un jour, chez le baronnet, lady Laura s’écria tout à coup : — Le mariage est une loterie, et je crois que ni sir Egerton ni sa femme n’ont pris un bon billet. En entendant ce préambule, Jane quitta le parloir.

— Une loterie, ma sœur ! s’écria la marquise, je ne suis pas de votre avis, et je crois que tout homme de goût qui voudra se donner la peine de chercher saura maîtriser la fortune et faire tourner toutes les chances en sa faveur.

— Il me semble, dit Mrs Wilson, que le goût seul est une base bien faible pour recevoir l’édifice du bonheur conjugal.

— Et qui voudriez-vous donc consulter, madame ? demanda lady Laura.

— Le jugement.

Laura sourit en disant : — Vous me rappelez tout à fait Pendennyss ; il veut tout soumettre, même les passions, à l’influence du jugement et des principes.

— Et trouvez-vous qu’il ait tort, lady Laura ? demanda Mrs Wilson, charmée d’apprendre que son jeune favori eût des idées aussi correctes.

— Je ne trouve pas qu’il ait tort, mais je crois ses maximes impraticables. Qu’en pensez-vous, marquis ? seriez-vous d’avis de