Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/269

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droits où il eût pu la rencontrer, l’entrevue que redoutaient les amis de Jane (car à peine l’avaient-ils aperçu le premier jour de leur arrivée) n’eut heureusement pas lieu.

Le baronnet n’eût pu le voir sans que sa conscience lui fît quelques reproches, et lady Moseley remerciait le Ciel de ce qu’Egerton avait du moins le sentiment de son indignité.

Un mois après le départ de lady Chatterton, sir Edward retourna à B*** avec sa famille, et ils commencèrent les apprêts de leur départ pour Londres.

La veille du jour où ils devaient quitter Bath, lady Henriette leur annonça son prochain mariage avec Chatterton ; il devait se célébrer à Derwent-Castle avant que le duc quittât cet antique séjour de ses aïeux pour se rendre dans la capitale.

Émilie éprouva un sentiment de joie auquel elle était étrangère depuis longtemps, en apercevant la tour bien connue de l’église du village de B***. Plus de quatre mois s’étaient écoulés depuis qu’elle avait quitté l’asile où elle avait passé son heureuse enfance ; et combien tout était changé, tout jusqu’aux sentiments de ceux qui juraient de s’aimer toujours ; tout, jusqu’à l’opinion qu’elle avait du genre humain, et, ce qui était le plus affreux, jusqu’à celle qu’elle avait conçue de l’homme qu’elle aimait !

Les sourires bienveillants, les saluts respectueux qui les accueillirent lorsqu’ils passèrent devant le petit groupe de maisons auquel on voulait bien donner le nom de village, chassèrent pour un moment de tous les cœurs les pensées mélancoliques, et la joie que firent éclater tous les bons serviteurs de Moseley-Hall en les voyant arriver faisait en même temps leur éloge et celui de leurs maîtres.

Francis et Clara les attendaient au château, et bientôt le docteur Yves et sa femme y arrivèrent aussi pour embrasser leurs amis.

En entrant dans le salon où ils étaient rassemblés, le bon ministre jeta un coup d’œil rapide autour de lui, et tressaillit en voyant à quel point Émilie était changée. En effet, la pauvre enfant avait perdu, avec le bonheur, les belles couleurs qui donnaient un éclat si vif à sa beauté ; et Mrs Wilson remarqua avec peine qu’en revoyant l’ami de Denbigh, ses joues se couvrirent d’une nouvelle pâleur.

— Où avez-vous vu pour la dernière fois mon cher George ?