Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/350

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fils une lettre qu’elle lui recommanda de n’ouvrir que lorsqu’elle ne serait plus. Cette lettre était adressée à ses deux enfants. Après avoir récapitulé les principaux événements de sa vie, elle ajoutait :

« Vous voyez, mes enfants, quelles ont été les conséquences de la légèreté, de l’imprudence de ma conduite. Votre oncle en a été le premier la victime ; votre père, trop généreux pour m’en faire des reproches, a vu troubler par des regrets amers le bonheur que lui faisaient éprouver vos caresses ; et moi-même, livrée à des remords tardifs, que dix-sept ans de larmes n’ont pu apaiser, je descends prématurément au tombeau. Puisse du moins mon funeste exemple n’être pas entièrement perdu pour vous ! J’étais jeune, sans expérience, douée de quelques attraits qui furent la première source de mes malheurs. Ils m’inspirèrent un amour-propre démesuré ; les flatteurs qui m’entouraient ont fait le reste. Accoutumée aux hommages, à l’adulation, je devins exigeante, impérieuse : j’allai plus loin ; je me fis bientôt un malin plaisir des souffrances que je causais ; j’aimais à me voir entourée d’un cercle brillant d’adorateurs qui se disputaient mes sourires. Bientôt mon orgueil ne connut plus de bornes, et si les lois de notre pays souffraient que nos princes se choisissent une épouse parmi leurs sujettes, je crois que, dans mon aveugle présomption, j’aurais porté mes vues jusque sur le trône. Hélas ! du moins alors, votre oncle n’eût pas été la victime de ma fatale coquetterie !

« Ah ! Marianne, ma chère enfant, ne vous abaissez jamais à ces vils artifices qui ont dégradé votre malheureuse mère. Croyez-en sa triste expérience ; elle lui a coûté assez cher ! Il n’est peut-être pas de défaut plus funeste pour notre sexe que la coquetterie. Elle rend dure, cruelle ; elle dessèche le cœur, elle détruit cette délicatesse de sentiment qui ajoute un nouveau charme à la beauté ; elle est incompatible avec la modestie qui fait son plus bel ornement.

« Et ne pensez pas, ma pauvre enfant, que la femme coquette dans son jeune âge puisse cesser aisément de l’être lorsqu’elle a des devoirs essentiels à remplir, et qu’épouse, mère de famille, elle voudrait s’occuper exclusivement du bonheur de son mari et de ses enfants. La coquetterie, lorsqu’on a le malheur de l’écouter, jette dans l’âme de trop profondes racines pour qu’il soit facile de les extirper. Il faut des efforts pénibles et réitérés ; encore seront--