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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/379

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combattu ces braves bataillons qui avaient résisté si longtemps aux efforts de la cavalerie et de l’artillerie, et qui s’étaient laissé hacher à leur place plutôt que de quitter le poste que leur avait confié leur général ? Harmer, le dur Harmer lui-même, qui avait assisté à plus de vingt combats, sentit se mouiller sa paupière, et le sourire de triomphe qui l’instant auparavant respirait sur ses lèvres fit place à un morne abattement.

Des épreuves plus pénibles encore les attendaient à leur passage. À mesure qu’ils avançaient sur le champ de carnage, des mourants rassemblaient un reste de force pour implorer leur secours, des blessés les suppliaient de panser leurs plaies. Cet appel était irrésistible, et le comte s’arrêtait à chaque pas pour secourir l’infortune. Le messager fut obligé de lui rappeler qu’ils arriveraient trop tard au but de leur voyage, et qu’ils n’avaient pas un instant à perdre ; et Pendennys, mettant la main sur ses yeux pour échapper à cet horrible spectacle, se laissa conduire par son guide.

Il était dix heures avant qu’ils arrivassent à la ferme où était étendu, au milieu d’une foule de blessés, le premier amant de Jane, et nous donnerons un court précis de sa vie et des aveux que la crainte de la mort et la reconnaissance l’engagèrent à faire au comte.

Henry Egerton, comme beaucoup d’autres de ses compatriotes, était entré de bonne heure dans le monde, sans avoir de principes qui pussent contre-balancer la légèreté ordinaire à la jeunesse, et les dangers qu’offre la société à celui qui ose s’y lancer sans expérience et sans guide. Son père, qui avait une place du gouvernement, s’adonnait tout entier aux spéculations artificieuses de la diplomatie. Sa mère était une femme à la mode qui ne respirait que pour le monde et ses plaisirs. Tant qu’il resta dans la maison paternelle, Egerton ne reçut, d’une part, que des exemples d’égoïsme et de dissimulation, et de l’autre, que ceux de la folie et des extravagances que peut inspirer à une femme le goût effréné de la dissipation.

Très-jeune encore, il choisit la carrière des armes ; le désir de la gloire séduisait, flattait son imagination, et, par orgueil autant que par tempérament, il ne craignait pas le danger. Cependant il aimait Londres et ses plaisirs plus encore que la gloire ; et l’argent de son oncle, sir Edgar, dont il devait être l’héritier, l’avait élevé