Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

se laisse attraper est une prise. J’ai connu un officier-général, capitaine Ludlow, qui regardait de l’autre côté lorsque ses propres effets passaient en contrebande, et la femme de votre amiral est la plus grande protectrice des contrebandiers. Je ne nie pas qu’on ne doive poursuivre un corsaire, et que, quand il est attrapé, on ne doive le condamner et partager franchement les marchandises entre les vainqueurs. Mais ce que je voulais dire, c’est qu’il y a des hommes plus coupables dans le monde que vos pirates anglais… Par exemple, vos Français, vos Hollandais et vos Dons.

— Voilà des opinions hétérodoxes pour un serviteur de la reine, dit Ludlow aussi disposé à rire qu’à se fâcher.

— Je connais trop bien mon devoir pour les répandre parmi l’équipage du vaisseau, mais un homme peut exprimer à son capitaine des pensées philosophiques, qu’il ne glisserait pas dans l’oreille d’un midshipman. Quoique je ne sois pas avocat, je sais ce que c’est que de faire jurer un témoin sur la vérité et rien que la vérité. Je désire que la reine ait jusqu’au dernier, Dieu la bénisse ! Plusieurs vaisseaux usés seraient alors démolis, et on enverrait en mer de meilleurs bâtiments en leur place. Mais, Monsieur, pour parler sous un point de vue religieux, quelle différence y a-t-il à passer dans une boîte les beaux atours d’une duchesse, avec son nom sur une plaque de cuivre, ou à passer assez de genièvre pour remplir le fond de cale d’un cutter ?

— On devrait croire qu’un homme de votre âge, monsieur Trysail, voit la différence qui existe entre le revenu d’une guinée ou celui de mille livres.

— C’est justement la différence qui existe entre vendre en détail ou en gros, et ce n’est pas une bagatelle, j’en conviens, capitaine Ludlow, dans un pays commerçant. Cependant, Monsieur, comme le revenu est un droit du pays, je conviens qu’un contrebandier est un homme coupable, mais non pas autant que ceux que je viens de nommer, particulièrement vos Hollandais ! La reine a raison de faire baisser pavillon à ces coquins, dans la Manche qui est sa propriété légale, parce que l’Angleterre étant une île puissante, et la Hollande n’étant qu’un monceau de boue qu’on a retournée pour la faire sécher, il est raisonnable que nous ayons l’empire des mers. Non, Monsieur, malgré tous les cris qui s’élèvent contre un homme qui n’a point été heureux dans une chasse avec un cutter des douanes, j’espère que je connais les