Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/215

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droits naturels d’un Anglais. Nous devons être maîtres ici, capitaine Ludlow, qu’on le veuille ou non, et surveiller les affaires du commerce et des manufactures.

— Je ne vous croyais pas un politique aussi accompli, maître Trysail !

— Quoique fils d’un homme pauvre, capitaine Ludlow, je suis un Anglais libre, mon éducation n’a pas été entièrement négligée. Je sais quelque chose, je l’espère, de la constitution, aussi bien que mes supérieurs. Justice et honneur étant la devise d’un Anglais, nous devons veiller aux intérêts de l’Angleterre. Nous ne sommes point un peuple de bavards, mais nous savons raisonner ; il ne manque pas de penseurs profonds dans la petite île, et voilà une des raisons pour lesquelles l’Angleterre doit soutenir ses droits ! Par exemple, le Hollandais est un cormoran vorace, avec une gueule assez large pour avaler tout l’or du Grand-Mogol, s’il pouvait l’attraper, et en même temps un vagabond qui a à peine assez de terre pour y poser les pieds, s’il faut dire la vérité ! Eh bien ! Monsieur, l’Angleterre abandonnera-t-elle ses droits à une nation de tels coquins ? Non, Monsieur, notre respectable constitution et notre mère l’Église le défendent elles-mêmes, et ainsi je dis, Dieu me damne, abordez-les, s’ils refusent quelques-uns de nos droits naturels, ou s’ils montrent le désir de nous mettre à leur indigne niveau.

— C’est raisonner comme un compatriote de Newton, et avec une éloquence qui ferait honneur à Cicéron. Je tâcherai de digérer vos idées à loisir, car elles sont trop solides pour que ce soit l’affaire d’une minute. Maintenant nous allons nous occuper de la chasse, car je vois, à l’aide de ma lunette, que le brigantin a mis ses bonnettes et qu’il commence à se ranger de l’avant.

Cette remarque termina le dialogue entre le capitaine et son subordonné. Ce dernier quitta le passe-avant avec cette sensation agréable et secrète qui se communique à ceux qui sont convaincus qu’ils se sont débarrassés avec honneur d’un fardeau de profondes pensées.

Il était temps en effet de surveiller attentivement les mouvements du brigantin ; car il y avait lieu de craindre qu’en changeant de direction pendant les ténèbres, il parvint à s’éloigner ; la nuit environnait de plus en plus la Coquette, l’horizon se rétrécissait autour d’elle, et ce n’était qu’à des intervalles inégaux que les