Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/402

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je désirasse pouvoir vous contredire. Cependant je crois que nous aurons une nuit tranquille,

— Pour un vaisseau et même pour une chaloupe, mais dangereuse pour un radeau comme celui-ci. Vous voyez déjà que le mât de hune se renverse à chaque roulis ; et à mesure que le bois penche, notre sécurité diminue.

— Vous ne nous flattez pas, capitaine : vous êtes un marin et un homme ; je n’essaierai pas de badiner avec vos connaissances. Je veux bien convenir entre nous que le danger est imminent, et que notre seule espérance dépend de la bonne fortune de mon brigantin.

— Ceux qui le montent croiront-ils de leur devoir de quitter leur ancrage pour venir à la recherche d’un radeau dont ils ignorent l’existence ?

— J’ai confiance dans la vigilance de celle qui porte un manteau vert de mer ! Vous pouvez m’accuser de folie ou même de quelque chose de pis dans un semblable moment ; mais moi qui ai couru tant de boulines, protégé par elle, j’ai confiance dans sa fortune. Certainement vous ne seriez pas marin, capitaine Ludlow, si vous n’aviez une secrète confiance dans quelque être inconnu et puissant.

— Ma confiance est placée dans celui qui est en effet tout-puissant, mais qui est visible dans ses œuvres. S’il nous oublie, le désespoir seul nous reste !

— C’est bien ; mais ce n’est pas là l’être dont je voulais parler. Croyez-moi, en dépit d’une éducation qui nous enseigne ce que vous venez de nous dire, et d’une raison qui nous parle souvent assez clairement pour faire taire la folie, il y a en moi une secrète confiance dans le hasard qui prend naissance dans une vie d’activité et de dangers, et qui, si elle n’est pas bonne à autre chose, m’empêche du moins de me livrer au désespoir. Le présage de la lumière et le sourire de ma maîtresse ranimeraient mon courage en dépit de mille philosophes.

— Vous êtes heureux d’obtenir des consolations à si bon marché, reprit le jeune capitaine, qui mettait une certaine espérance dans la confiance de son compagnon, espérance qu’il aurait hésité à reconnaître.

— Je vois qu’il nous reste peu de chose à faire pour aider notre fortune, excepté de nous débarrasser de tout poids inutile et de